dimanche 4 février 2024

Campagne : les héros du Valperdu - Prologue (décembre 2023)

 PROLOGUE

1359 : 4, Kythorn

Vue du village du Valperdu
                                                                      

Les cris des adolescents retentirent une nouvelle fois à l’extérieur. Sans même sans rendre compte, le regard de Tuskan quitta sa page d’écriture, pour suivre par la fenêtre la joyeuse bande qui déambulait dans la rue. La sècheresse qui frappait Val Perdu depuis déjà trois mois et la chaleur écrasante de ce début de mois de Kythorn ne semblaient nullement les affecter. Depuis son perchoir le jeune apprenti pouvait deviner la teneur de leurs échanges. Georges s’inquiétait de la santé du frêle Gideon qui à l’issue d’une course poursuite, se tenait livide, soufflant et crachant à l’ombre d’un pommier. Nelson invectivait le premier le qualifiant comme à l'accoutumé de cul-béni et incitait Victor, à leur apporter de quoi goûter, le menaçant de mille morts s’il n’obtempérait pas dans l’instant.

Le jeune homme sourit. Il avait beau savoir que la connaissance et la maîtrise de l’Art étaient à ce prix, parfois la coupure avec ses copains lui pesaient. Mais Gidéon qui étudiait avec le même maître était déjà dehors depuis un bon moment. « Je dois vraiment être nul » pensait le jeune homme, même si son mentor lui répétait sans cesse que la voie dans laquelle il s’est engagé et plus longue et plus délicate et mérite les sacrifices actuels. Comme la belle Emmie qu’il ne voyait plus guère. Un toussotement dans son dos le fit sursauter.

« Hum, hum. Est-ce ainsi que cette copie de récit ésotérique va se concrétiser ? ».

Anthar le sage du village

Tuskan sentit ses joues s’empourprer. « Toutes mes excuses, maître Anthar, je m’y replonge immédiatement ». Se maudissant intérieurement, il s’empressa de retourner dans son ouvrage, renversant dans le même temps l’encre qui trônait sur le pupitre. Son visage tourna au rouge vif. Les mots lui manquèrent.

« Tuskan, tu dois apprendre à te contrôler. Reprends ton ouvrage, mon garçon. » Alors qu’il sortait de l’étude, il se figea un instant dans l’encadrement de la porte. « À propos, sais-tu quel jour nous sommes ? »

« Bien sûr, maître. Le quatrième jour de Kythorn. »

« Et donc, rien de spécial ? »

« Euh, c’est demain que se présentera la caravane sembienne sur la place du marché ? » se risqua l’adolescent

« Tout à fait, comme chaque mois, hormis l’hiver, afin de négocier la viande fumée de porc qui fait la renommée de notre communauté. Il me semble que tes études t’ont fait manquer leurs deux dernières apparitions, si je ne m’abuse. Écoute, finis proprement ton travail et file rejoindre tes camarades à la taverne. Si la qualité est au rendez-vous, il se peut que demain je te laisse ta journée. »

« Merci, maître, je ne vous décevrai pas »

Sans plus attendre, Tuskan s’immergea dans son ouvrage.

Quelques heures plus tard, attablés devant une bière à la cannelle à l’auberge du Dragon Ecarlate, les cinq garçons échangeaient moqueries et quolibets à l’encan, singeant et moquant gentiment les passants et se querellant à tout va. Tuskan se sentait revivre et même les remarques acerbes de ses camarades sur sa récente prise de poids, conséquence de sa sédentarisation accélérée, ou sur sa peau parsemée de taches de rousseur, ne purent entamer sa bonne heure. De retour à la ferme familiale, il se promit de profiter de sa journée de repos pour rendre visite à Emmie le lendemain.

                                                                        Auberge du Dragon écarlate
 1359 : 5, Kythorn

Le soleil est encore bien bas tandis qu’il s’approche de l’auberge du Dragon écarlate. Seul Nelson parmi ses amis est déjà sur place. Faut dire que sa vie de fermier reclus avec un père porté sur la dive bouteille n’est pas toujours des plus gais. Ses amis ont depuis longtemps appris que ses bravades et ses violences verbales servent surtout de carapace à une âme torturée.

« Comment va le petit fayot des prof ? 

-          Et toi le Grand….. ? » Tuskan avait depuis longtemps initié ce jeu de laisser traîner ce dernier mot comme si une suite devait l’accompagner. Suite qui ne tombe jamais. De quoi provoquer l’agacement de Nelson sans pousser trop loin. Et faire rire la compagnie.

« Gidéon n’est pas là ?

-          Depuis qu’il a suivi le Sembien et sa maudite caravane, l’gringalet pionce encore plus qu’avant, le flemmard. Cà a beau être lui qui a le moins de route à faire, vu qu’ici c’est sa crèche, il est toujours le dernier. Je serai sa mère, j’le virerais de mon auberge. Il est juste bon à boire, ce vaurien !

-          Comme nous tous. Vlà le Georges qui s’en vient de sa prière du matin. L’a pas l’air frais. Et Victor qui tourne au coin.

-          Ah te vlà enfin, le tavernier. Faut qu’on cause, tous, j’ai trouvé tout un tas de blagues plus tordantes les unes que les autres aux dépends de cet idiot d’Hegger qui se croit l’chef ou de ce vieux cinglé d’ermite qui ne descend ici que pour la caravane avec folle patte, son cabot miteux.

-          En même temps, on a déjà assez de dingues sur place pour ne pas en ajouter à l’excès. » glissa Victor tout en fixant ostensiblement Nelson.

 

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