mardi 27 février 2024

Aide de jeu - Valplume

 

VALPLUME en 1359


 
    Valplume est un petit territoire rural des Vaux s’étendant le long des rives du fleuve Ashaba. Comme son voisin Valbataille, il n’a ni gouvernement central, ni villes. Les robustes fermiers et bergers du Val ne sont pas aussi dispersés que ceux de Valbataille et n’ont jamais trouvé de raison de construire des villes ou d’élever des murs.

    Contrairement aux autres Vaux, Valplume n’est pas une vallée. Son nom désigne simplement la région bordant l’Ashaba entre le Pont de Plumenoire et Chutes de plumes. De riches terres agricoles s’étendent des deux côtés du fleuve, interrompues par de petites chaînes de collines ou des boqueteaux d’arbres.

    Valplume représente une étape fréquente pour ceux qui voyagent sur la route de Rauthauvyr. Une importante piste reliant Valbalafre au Pont de Plumenoire traverse le Val par le milieu. Des dizaines de petits sentiers conduisent à Valbataille, Hap, Valmoisson, Valherse, et même Yhaunne. Valplume est un carrefour tranquille au centre des Vaux.
Le Pont de Plumenoire

    Il n’y a pas de ville à Valplume, mais il existe un certain nombre de petits villages et croisements. La plus grande communauté du Val est celle de Chutes de plumes, un village de vingt-cinq bâtiments (85 habitants). Le Pont de Plumenoire est le deuxième bourg par son importance, avec seize bâtiments (70 habitants). Le village de Bac du charpentier, presque au centre du Val, est un lieu de rencontre et un marché pour les habitants de Valplume. *Enfin, Valperdu (onze bâtiments), sur la route de Hap, est la communauté la plus septentrionale de Valplume. 



    Valplume est un Val rustique, comme Valbataille ou Valbrume. Le Valbalafre, au centre de querelles politiques, commençant à revenir à la « normale », Valplume a prospéré avec la réouverture du port et la demande pour les produits du Val.

INSTITUTIONS

La Rencontre du Val

    Valplume n’a ni gouvernement central, ni dirigeant. Chaque village ou ferme a tendance à s’occuper de ses propres affaires. En de rares occasions, des problèmes se présentent qui ne peuvent pas être résolus localement. Quand cela se produit, une Rencontre du Val est organisée.

    La Rencontre est composée de quiconque veut y venir. Les importants fermiers ou clans indépendants s’y présentent souvent en force, ainsi que les aînés des divers villages et les mariniers de passage. L’affaire en question doit souffrir les débats d’une centaine de gens ou plus, qui croient tous avoir quelque chose à dire à son sujet. Les gens de l’extérieur qui ont assisté à une Rencontre du Val ne trouvent pas étonnant que les habitants de Valplume soient persuadés de la stupidité des gouvernements.

    La Rencontre du Val n’est obligatoire pour personne. Elle n’est organisée qu’une ou deux fois par décennie. 

Loi et ordre public

    Les habitants de Valplume considèrent que l’on peut faire tout ce qu’on veut, du moment que l’on ne fait pas de mal à quelqu’un d’autre. La justice est très désordonnée dans le Val, car les plaignants se chargent souvent eux-mêmes de leurs affaires. À l’occasion, certaines querelles ont dégénéré et duré des années.

    Les aînés des villages ou les patriarches des clans s’adjugent souvent le droit de servir de médiateurs dans les disputes, simplement pour maintenir l’ordre.

    Ceux qui enfreignent la loi doivent être avertis qu’un nombre substantiel d’anciens aventuriers se sont retirés dans la région de Valplume, et qu’à l’occasion l’un de ces vieux guerriers apparaît pour faire la paix entre des parties opposées.

Défenses

    Valplume ne dispose d’aucune défense notable. Mais lors d’une crise réelle, un aventurier en retraite ou un robuste fermier pourrait probablement rassembler quelques dizaines d’hommes pour chasser un monstre ou repousser des bandits.

Commerce

    La plupart des habitants de Valplume sont des fermiers autosuffisants. Quelques forgerons, tanneurs et charrons gagnent leur vie dans les villages du Val, mais la plupart des habitants vivent dans les fermes et y récoltent leur propre nourriture.

    Les habitants de Valplume vendent souvent leurs produits (céréales, maïs, bière, fromage, légumes et viandes salées) au Pont de Plumenoire ou aux Chutes de plumes. Aucune compagnie marchande n’a de base permanente dans le Val, mais nombre des grandes compagnies de Sembie et du Cormyr envoient des acheteurs à Valplume au moment de la récolte.

    Le principal site de Valplume pour les communications, l’échange de nouvelles, ainsi que le moyen de transport, est représenté par ses embarcations fluviales. Des dizaines de bateaux à quille petits mais robustes naviguent entre le Pont et les Chutes, apportant biens et nouvelles aux petites communautés parsemées sur les rives. Les mariniers sont bien connus pour être des joueurs et des coquins, mais considérés comme d’aimables conteurs et colporteurs de ragots.

SITES NOTABLES

Temples

    Le seul temple important de Valplume est la Maison du matin, aux Chutes de plumes. Comme son nom le suggère, il est consacré à Lathandre. La Maison du matin est supervisée par le seigneur de l’aube Jallian Horgontivar (LB hm P13) et seize clercs et acolytes de moindre niveau.

    Les ruines d’un ancien temple de Leira sont observables en amont de la cité

    Les prêtres de Cyric considèrent le Pont de Plumenoire comme un lieu sacré, marquant l’un des endroits où leur dieu est passé pendant sa vie mortelle. Cependant, les habitants de Valplume ne veulent pas avoir affaire au Soleil noir et chassent tout prêtre zhent qu’ils surprennent dans la région.

Le Pont de Plumenoire

    *Fondé seulement il y a quelques années, le Pont de Plumenoire croît rapidement. La fréquentation importante sur la route de Rauthauvyr a conduit plusieurs entrepreneurs à y ouvrir de petits commerces, parmi lesquels une auberge populaire, un grand magasin, une forge et un charron. Une nouvelle taverne, la Chope d’Eaunoire, va bientôt ouvrir ses portes. Une auberge plus ancienne appelée le Marinier est un endroit choisi pour se mettre au courant des rumeurs locales et des bavardages rapportés de pays lointains.
Elle est connue de nombreux voyageurs empruntant la route d’Ordulin à Montéloy. C’est une grande maison campagnarde tranquille et accueillante, où la nourriture est bonne et où l’on trouve un lit chaud pour seulement 7 pa par nuit. Le Marinier est tenu par un aventurier nain du nom de Borruk Hachebataille.

    Le Magasin de Jherald, au Pont de Plumenoire, est un comptoir commercial qui sert de halte d’approvisionnement aux caravanes de passage. Malheureusement, Jherald pratique des tarifs prohibitifs et demande 150 % des prix du MDJ pour ses marchandises. Les articles d’alimentation peuvent être achetés aux fermiers des environs à des prix plus raisonnables. 

La tour de Cholandrothipe**

    Ce mystérieux édifice se dresse aux Chutes de plumes. Cholandrothipe était un magicien bien connu qui fournissait un service de portage aux environs des chutes, rapetissant les bateaux et les portant dans ses poches pour dissiper l’enchantement de l’autre côté. Cholandrothipe fut assassiné par des agents des Sorciers rouges. 
Le vieux magicien aurait amassé une véritable fortune grâce à ce service, et on n’a retrouvé que très peu d’or dans sa tour. Ses meurtriers ont mis la tour à sac, mais ont été obligés de s’enfuir car ils avaient déclenché divers pièges magiques et rencontré des gardiens dissimulés.
Des groupes d’aventuriers ont visité la tour en plusieurs occasions, et parlé de salles extra-dimensionnelles et de pièces souterraines cachées.


Le temple sous les chutes

    Un autre site mystérieux aux Chutes de plumes se situe derrière la cascade, creusé dans la falaise. Plusieurs niches et petites cavernes conduisent à l’intérieur de la colline, et la rumeur prétend qu’une ou plusieurs de ces ouvertures conduisent à un ancien temple dédié à un dieu maléfique. Les légendes locales parlent d’une bande de fermiers armés qui s’est assemblée pour en chasser les cultistes il y a cent ans, mais on ignore si les ruines du temple existent encore

La Folie du Passeur 

Au Bac du charpentier, se trouve la seule taverne notable de l'ensemble de Valplume. Elle est fréquentée par les fermiers et mariniers des environs, et c’est un bon endroit pour apprendre à connaître la population de Valplume.

Le Comptoir de Darwin

Il s'agit, aux Chutes de plumes, d'un magasin généraliste aux tarifs raisonnables, exigeant seulement 10 % de supplément par rapport aux prix du MdJ. Darwinn vend également des potions de soins et des potions de vol pour 300 po pièce ; la source de son stock est inconnue, et il refuse de la révéler.

Source : The Dalelands par L. Richard Baker III, TSR

* Eléments personnalisés de la campagne de Valperdu, non officiels
** Pour les besoins de notre campagne la date de l'assassinat a été avancée

samedi 10 février 2024

Campagne : les héros du Valperdu - Liche, oh ma liche ! (décembre 2023)

Liche, oh ma liche!

Chapitre précédent

1359 : 5, Kythorn

   Les jeunes et impétueux aventuriers de Valperdu ont à peine le temps de se présenter et d’indiquer que c’est Hegger qui les envoie pour s’enquérir de l'état du mystérieux ermite, qu’ils débouchent sur une clairière parfaitement entretenue. Un potager, un jardin médicinal et un verger en occupent la majeure partie, une petite chaumière de plain-pied, une remise et une mare complètent le tableau. Quelques animaux de basse-cour y déambulent.

    Les amis pénètrent dans la demeure au mobilier simple mais propret, hormis l’imposante étagère d’ouvrages qui attire Gidéon et Tuskan comme des insectes par de la lumière. Des rafraîchissements sont servis, puis l’ermite les prie de l’excuser. Il souhaite enterrer son compagnon avant de se mettre en route pour le village. Peu soucieux de passer la nuit dans les bois et touchés de la mort de l’animal, les jeunes hommes se proposent de l’aider. Des outils sont extraits de la remise et suivant les recommandations de Horgon, une sépulture est creusée au pied d’un pommier. Ce dernier y dépose Wicky, laisse le chagrin l’envahir quelques instants, prononce, la voix vacillante, un court sermon, puis demande au groupe de reboucher la tombe. L’émotion est passée et il semble reprendre le contrôle total de sa personne.

    L'ermite fait rassembler quelques denrées pour les garçons et la troupe prend la direction du village. Horgon mène bon train et les adolescents ont un peu de mal à le suivre. Chemin faisant, il leur explique qu’il est magicien présent dans la région depuis quinze ans pour surveiller le départ des elfes pour le compte d’amis et qu’il échange régulièrement des informations avec Hegger qui fait partie. Tuskan s’enquit timidement de savoir si ces mystérieux amis seraient l’organisation des Ménestrels et la tête pleine de rêves, de contes et d’exploits héroïques, la troupe s’approche du village tandis que s’obscurcit la contrée. La barrière de l’enceinte est déjà baissée et, foin de toute discrétion, il convient d’actionner la cloche pour qu’on vienne leur ouvrir. Alors que la communauté les questionne sur leur absence, les garçons peuvent noter que Horgon a repris sa démarche lente et claudicante. « Un fieffé acteur » murmure Nelson dans un sourire. Mais Nelson n’en a cure, il décrit déjà à qui veut l’entendre ses exploits guerriers et virils. Son imagination débridée ajoute de nouveaux détails à chaque auditeur qui l’écoute…

    Les aînés félicitent chaudement nos jeunes héros. Malgré la réticence de Victor, sur l’insistance de Tuskan, le groupe dévoile aux autorités du village le butin sur lequel ils ont pu faire main-basse : les pièces d’argent et la lame elfiques. Pour le plus grand soulagement de Victor, il lui est accordé de conserver l’épée et la jeunesse se voit remettre la moitié du trésor. Aucun d’eux n’a jamais disposé jusqu’ici en propre d’une telle somme !

    Chacun regagne alors sa demeure le cœur encore auréolé des aventures de la journée

1359 : 6, Kythorn

    Le lendemain matin, alors que chaque adolescent pense vaquer à ses occupations, ils sont conviés par les aînés qui leur demandent de raccompagner le vieil ermite et d’en profiter pour explorer la grotte qu’ils ont découvert. Qui sait si d’autres anciens trésors elfiques ne s’y trouvent pas ? Une fois hors de vue du village, Horgon se propose de se joindre à la fouille. Quelques peu rassérénés, le groupe prépare son paquetage et se remet en route sous un soleil de plomb malgré l’heure matinale.

    La traversée des bois s’effectue sans problème et, grâce aux bouts de tissus semés par Tuskan, les jeunes gens retrouvent sans difficulté la tanière. Sa fraîcheur contraste nettement avec la chaleur ambiante. Le groupe s’équipe de torches, brûle les toiles qui bloquent l’entrée et, non sans une prière à leurs divinités tutélaires, s’engouffre dans la grotte. Deux voies se présentent et ils décident d’emprunter le tunnel sur leur gauche. Un peu plus loin un éboulis semble avoir scellé une partie du complexe. Tandis que certains inspectent le tas de gravats, Georges resté à l’arrière perçoit un faible crissement. À peine prévient-il ses comparses qu’une horde d’araignées plus grosse que le poing, se jettent sur lui. Il se défend comme un beau diable, malgré les morsures subies et terrasse plusieurs créatures tandis que ses compagnons se ruent à son secours, que Horgon fait montre de sa magie et que Tuskan saisissant de manière un peu gauche son bâton prévient toute attaque de revers. Alors que la victoire est proche, l'ultime arachnéen saute sur Victor. Gidéon lui hurle de ne pas bouger et abat sa dague de toutes ses forces. Victor s'effondre la poitrine transpercée, tandis que la créature saute sur Nelson avant d'être fracassée par Georges  Le silence se réinstalle  rapidement, brisée seulement par les gémissements et injures de Victor et les excuses penaudes de son bourreau. Georges est encensé pour ses qualités martiales par ses pairs et l'on soigne le combattant blessé. La troupe se remet en marche.

    Le tunnel forme en réalité une boucle qui revient vers l’entrée de la grotte. Néanmoins sur leur gauche, peu avant de rejoindre la sortie, une lumière blafarde attire l’attention des jeunes. Il semble que le groupe ait omis un passage…

    Un couloir sombre révèle trois statues d’obsidienne représentant des mages en pleine incantation d’un réalisme extrême. Au sol des fragments épars de corps démantibulés par une puissante magie depuis des années. À son extrémité une bulle d’énergie obstrue entièrement son issue. La vision s’en trouve occultée. Des volutes iridescentes la parcourent par intermittence. Après avoir minutieusement inspecté les sculptures, les jeunes perplexes ne savent pas trop la marche à suivre. Indécis, l’un d’eux se risque à lancer une pierre qui semble traverser de part en part le globe magique. En revanche, ils constatent avec horreur que le bois ou le tissu y est immédiatement détruit. Chacun spécule sur la marche à suivre, certains cherchent un quelconque mécanisme dans les parois, d’autres auscultent les œuvres d’art, Nelson ne s’embarrasse pas outre mesure, retrousse ces manches et…  passe la main dans la sphère sous le regard horrifié de ses pairs ! Les dieux veillent sur le jeune téméraire, son membre en ressort indemne. Son intuition se révélant juste, le voici qui commence à se dévêtir. Tuskan soucieux de ne pas le laisser s’aventurer dans l’inconnu seul, récite une courte prière à Azouth, patron des magiciens, et lui emboîte le pas.

La liche constitue un mort-vivant très puissant
Au cœur de la sphère, vision échappée des Abysses se dresse un être squelettique accroupi. Lorsque la funeste créature réalise qu'elle n'est pas seul, le crâne qui surmonte sa cage thoracique se redresse et les deux lueurs malveillantes qui servent d'yeux au mort-vivant accueillent nos camarades. C'est une liche ! Tandis que Nelson file rapporter leur découverte, cette dernière tente d’établir le contact avec le lanceur de sort en herbe. Essai peu convaincant, aucun des deux protagonistes ne maîtrisant l’idiome de son interlocuteur. Néanmoins, les noms sont échangés et Tuskan, la voix franchissant la barrière magique, relaie à ses partenaires les informations qu’il peut saisir. Son nom est Ioulaum, elle serait nétherisse. Et à l’écoute des paroles du jeune homme, elle semble assimiler remarquablement vite la langue commune ! Après un temps assez court, en effet, elle est capable d’indiquer qu’elle est prisonnière de la sphère, qu’elle requière l’aide du groupe pour se libérer et leur apportera le savoir en retour, qu’elle est l’auteure du déchaînement magique qui a décimé les pauvres hères dont les restes emplissent le couloir pour se défendre. Tuskan, histoire de gagner du temps et de pouvoir réfléchir plus avant, donne le change à la créature et sort de la sphère sur sa droite prétextant chercher les moyens de lui venir en aide. Il débouche alors dans une salle où règne la plus totale obscurité.

    Durant ce temps, mis au courant par les informations transmises par leur collègue, le reste de la troupe hésite sur la marche à suivre. Gidéon affirme qu’elle n’a pas été emprisonnée pour rien et que les statues dans le couloir furent peut-être un jour bien vivantes et ont donné leur vie pour lier la créature. Il se campe près de celles-ci pour les examiner. Nelson jure qu’il n’y connait rien en magie mais que la créature lui fait froid dans le dos. Pour Georges, un bon mort-vivant est un mort, mort. Pour Victor, elle a parlé de connaissances et de savoir, elle doit disposer de sacrés trésors. D’ailleurs, Tuskan est parti depuis un moment en exploration, il file lui prêter main-forte. 

    Guidé par la voix, les deux adolescents se retrouvent rapidement. Tuskan après avoir réussi à l’aveugle à mettre les mains sur un mur a progressé lentement à tâtons pour étudier l’espace où il se trouve. Ils progressent désormais tous deux, Victor le tenant par l’épaule. Vaille que vaille, ils parviennent à un angle et remontent une nouvelle section de mur pour finir parce heurter à ce qui ressemblent à un vieux coffre dont le fond s’est brisé libérant ce qui dans le noir tinte et à le toucher d’un monceau de pièces et de gemmes. Mais la voix de la liche leur imposant de ne rien toucher rompt vite l’euphorie qui gagnait les deux jouvenceaux. Prudents, ils reprennent leur reconnaissance dans le noir d’encre.
    
    Un nouvel angle, une longue section muraille et les voici à hauteur de la sphère. Là ils posent les mains sur un meuble et des outils métalliques. Nelson identifie tisons et autres ustensiles de foyer. Ils sont en présence d’un poêle. Un tas de charbon de bois se trouve à proximité. Tuskan se rappelant que la pierre n’est pas détruite par la sphère, enjoint ses camarades de leur fournir des silex. Une fois lancés, les retrouver à quatre pattes dans le noir complet n'est guère aisé. Et réussir à créer des étincelles à partir des cailloux leur coûte plus d’une ampoule aux mains, mais leur pugnacité finit par être récompensée lorsqu’une vive lumière leur apporte, enfin, chaleur et vision. Les jeunes garçons alimentent le foyer. Puis, ils improvisent une torche qui leur facilite grandement la fin de l’exploration. Le nord de la salle se dévoile bientôt à leurs yeux. Un bureau, des étagères pleines de volumes parcheminés, cartes de lieux inconnus, fioles et matériel alchimique, sans contexte, ils ont découvert l’atelier de la liche. Mais alors que Tuskan, fiévreux, s’apprête à compulser les ouvrages à sa portée, les injonctions fermes du mort-vivant refroidisse ses ardeurs. Sans plus tarder les deux rejoignent le gros de la troupe accompagnés des suppliques de la liche.

    Regroupés, la discussion s’engage sur la marche à suivre. Si tenter d’aider la créature emprisonnée à ses adeptes, certains ne l’entendent pas du tout de cette oreille. On décide de s’en remettre à Horgon qui semble lui aussi indécis. Qu’à cela ne tienne, le groupe retournera au village pour en toucher mot à Hegger.


 

mardi 6 février 2024

Campagne : les héros du Valperdu - L'aventure commence à l'aurore (décembre 2023)

L'AVENTURE COMMENCE A L'AURORE

1359 : 5, Kythorn

Hegger, porte-parole de la communauté de Valperdu
                                          
    Le soleil pointe déjà haut dans le ciel tandis que la foule se presse autour des chariots bigarrés déployés le long de la place du marché. Rires et clameurs emplissent la petite bourgade de Valperdu d’ordinaire si calme. 

    La route des adolescents croise celle de Hegger, aventurier chevronné en charge par la communauté de gérer les relations commerciales avec la caravane. Selon un rite immuable sa première question concerne systématiquement le taux de fréquentation de l’auberge. Gidéon lui précise qu’hormis le chef de la caravane nommé Triaphe qui chaque mois y descend pour la nuit, personne d’autre actuellement n’a loué de chambre. À ces mots, Nelson ne peut s’empêcher de penser à la rumeur qui court de par le village. La jeune sœur de Gidéon ressemble bien peu à son frère et sa mère. En revanche son teint et sa chevelure rappellent tant la Sembie…. Passé cet interrogatoire qui consiste plus en un tic de curiosité qu’autre chose, le visage du chef de la paisible communauté semble se rembrunir.                                                                

    « Les jeunes, le vieil ermite n’est toujours pas parmi nous. C’est étrange, d'ordinaire il ne rate jamais la venue des marchands. Je souhaite que vous alliez à sa rencontre voir si tout se passe bien. »

    Gidéon fronce les sourcils. Maintenant qu'il y pense, Horgon, le drôle de gars ou le pauvre type, comme les jeunes gens l'appellent entre eux, n'est pas venu s'attabler à l'auberge, chose qu'il fait immanquablement même si Gidéon évite sa présence tant l'odeur pestilentielle de son chien de compagnie et les puces qu'il transporte le révulsent. Passé un moment de flottement, les cinq jeunes hommes regardent Hegger, sidérés. George, le jeune novice de Chauntéa prend la parole en premier.

    « Et comment veux-tu qu’on fasse, nous ne savons même pas où il crèche ?

    -     Il n’a peut-être tout simplement pas envie de venir aujourd’hui. » compléte Gidéon.

    Mais tous savent pertinemment que l'aventurier à la retraite, vient chaque mois visiter le mutique homme des bois et règle systématiquement son repas à l’auberge.

    « Ca va, ça va, l’ancien, n’nous regarde pas avec cet air de travers. On va aller t'le chercher ton sauvage. Mais va nous falloir quelques informations. » poursuit Tuskan.

    Quelques minutes plus tard, devant un verre de lait de chèvre tiède à l’auberge notre compagnie tourne et retourne dans tous les sens les indications fournies par le négociateur.

Un étrange glyphe indique la voie
    « J’y crois pas, dix kilomètres à se tasser dont huit en pleine forêt, il a perdu la tête l'chef ! Aucun de nous ne s’est jamais aventuré si loin dans les bois. Il veut notre peau, le saligaud ! » tonne Nelson.

    « Et que dire de ce dessin débile qu’il a griffonné et qu’on est censé retrouver tous les cinq cents mètres pour nous indiquer la route à suivre. Sûr, il décaroche grave ! » poursuit Victor.
    « N’empêche on lui a promis de vérifier que tout va bien et c’est ce qu’on va faire. L’ermite a peut-être besoin d’aide et Hegger compte sur nous. » coupe l’officiant de Chauntea.

    Dans les minutes qui suivent, la petite troupe s’active pour se procurer boisson, victuailles et nécessaire pour passer une éventuelle nuit à l’extérieur. Les commentaires acerbes sur l'extrême parcimonie avec laquelle le fils de l'aubergiste dote le groupe en vivres fusent de toutes parts. Des galettes de blé et quelques saucissons bien durcis par le temps sont tout ce que le village peut se permettre de fournir. «Avec la menace de la sécheresse, je ne peux pas faire mieux » s'empresse de justifier Gidéon sans convaincre ses camarades. Tuskan décide pour sa part d’emprunter Tika la mule de son maître en pension dans l’étable du palefrenier. George, lui collecte les plantes médicinales et les bandages disponibles dans la chapelle. Une fois équipés en cordes et en torches grâce à Victor et à Nelson, le groupe se met en route. 

L'aventure n'attend plus que nos héros

    La première partie du chemin, au soleil, se passe dans la bonne humeur et les taquineries, mais au fur et mesure que les bois se rapprochent, la tension se fait palpable. Les deux kilomètres de zone défrichée qui bordent le village au nord forment pour chacun l’extrême limite de leur horizon. Et que dire de la forêt et de ses légendes plus sombres les unes que les autres. Les bravades de nos aventuriers en herbe cèdent bientôt le pas à un silence rompu fugacement par les quintes de toux de Gidéon ou les plaintes de Tuskan qui décidément manque d’exercice.

    Un étrange jeu de piste commence tandis que les adolescents se mettent en quête de la rune censée les guider entre les arbres. Et à ce petit jeu, c’est Victor qui excelle. Régulièrement il est le premier à localiser les signes qui se dissimulent tantôt sur une pierre, tantôt sur un vieux chêne. Ses talents de pisteur rassurent le petit groupe qui se prend à rêver d’un retour rapide dans son village avant la tombée de la nuit. Jusqu’à ce qu’à se rendre à l’évidence, faute d’avoir raté un indicateur, la bande erre à l’aveugle dans l’immense forêt.

    Alors qu’ils s’espacent de façon à mieux explorer la zone, Tuskan et Nelson interpellent leurs camarades. Ils jurent avoir vu briller quelque chose à la faveur d’un rare rayon de soleil franchissant la canopée. Victor, à la suite de leurs indications, découvre un cadavre usé par les années et recouvert de mousse. Néanmoins son épée demeure comme neuve, ce doit être l’origine du reflet de lumière.

    S’engage alors un débat entre ce dernier et Tuskan sur la conduite à tenir. Le premier souhaite conserver la lame, tandis que le second prône la remise aux aînés du village pour la revendre. Pendant ce temps, Gidéon déniche au côté du défunt quelques pièces d’argent ternies, ostensiblement elfiques. Le groupe s’émerveille de la fortune sur lequel il vient de faire main basse. À ce moment, Tuskan se fige : 

    « Bon sang, les gars, on dirait une grotte ! ».

    Et effectivement, à quelque distance, à moitié dissimulée par la végétation ambiante, à flanc de déclivité, s’ouvre une ouverture dans la paroi. Une approche prudente révèle un aspect assez large pour le passage d’un homme.

    « Je pense qu’on a trouvé la cachette du vieux fou » clame George.

    « Parce que tu crois qu’il vivrait dans une grotte humide et pourrie avec un cadavre pour paillasson. » raille Nelson.

    « Et qu’il adore les araignées de compagnie. Matez moi l’épaisseur de ces fils. » frissonne Tuskan. « Hors de question, que je me risque là-dedans ! On s’est planté, on rebrousse chemin ».

    Malgré les remarques acerbes de ses comparses sur son courage et la perfide insinuation de Victor quant à la présence à coup sûr de fabuleux trésor et d’antiques connaissances, étonnement tout le groupe emboîte le pas de l'apprenti magicien qui tente de retrouver le chemin suivi pour arriver jusque-là. Tout en prenant soin d’accrocher aux branches quelques bribes de tissus pour permettre éventuellement d'y revenir plus tard.
    
    Bien lui en a pris car, à quelque distance, il retrouve la rune d’orientation et la troupe peut reprendre sa quête.

    Jusqu’à ce que des jappements furieux la figent sur place.

    Un concert de grognements canins se mêle à d’étranges rires mâtinés de hurlements stridents. Interdits nos jeunes héros ne savent que faire. Le groupe remonte le vacarme pour déboucher sur une clairière où cinq étranges créatures, croisements de reptile et de chien prennent un malin plaisir à torturer de leurs lames rouillées le vieux Folle Patte, le sac à puces d'Horgon, adossé à un majestueux chêne d’une taille tout bonnement phénoménale. Tuskan rompu aux bestiaires de son mentor pense identifier les créatures : « Des kobolds. Ce sont des créatures bien trop dangereuses pour nous! ». Alors qu’à messe basse, nos amis s’interrogent sur ce qu’ils peuvent faire, un coup d’épée mal ajusté vient heurter l’arbre au lieu de sa cible. Un cri de douleur manifestement féminin s'élève alors depuis les frondaisons. C’est le moment que choisit Nelson pour quitter le havre du couvert pour charger en hurlant les vils démons. Son idée première est de créer un tel raffut que les créatures terrorisées prendront leurs jambes à leur cou. Mais son irruption est interprétée par ses collègues comme l’heure des héros. George et Victor s’élancent à sa suite, tandis que Gidéon se glisse dans la végétation pour prendre les ennemis à revers. Comme son intention initiale n’était nullement d’engager les kobolds, le fermier est très vite débordé par la horde vociférante. Très vite, tous les aventuriers se retrouvent face à un adversaire. Tous ? Non. Tuskan conscient de ses talents de bretteur prend le temps de ligoter Tika à un arbre, de s’équiper de sa fronde et de sortir prudemment du sous-bois.

    Dans la clairière s’ensuit une mêlée indescriptible. Malheureusement juste avant qu’ils ne volent à son secours, Folle Patte, victime d’un vicieux coup d’estoc, expire. Au jeu de la guerre, Georges et Nelson rivalisent de prouesses, abattant chacun une créature qui de son bâton, qui de sa faux. Puis soudain ce dernier décide de sortir du pugilat pour aller se caler à l’arbre plusieurs fois centenaire et hurler que personne n’y toucherait de son vivant ! La plus grande confusion prévaut. Alors que Victor, de sa belle lame, transperce de part en part un adversaire, Georges fracasse la hanche d’un de ses collègues qui s’effondre dans un gémissant plaintif, . C’est plus qu’il n’en faut pour le dernier adversaire qui, esquivant les coups endiablés de Nelson, bondit vers le couvert des arbres. Tuskan tente bien de stopper sa course d’une bille de pierre, mais peine perdue, le projectile manque complétement sa cible qui disparaît. Le calme revient dans le sous-bois.

    Avant qu'une nouvelle altercation ne brise la paix retrouvée. Nelson refuse toujours catégoriquement de quitter son tronc, sous les insultes de ses amis qui ne comprennent pas quelle mouche l’a piquée.

    Une conversation dans un langage inconnu jaillit alors depuis la cime de l’arbre. A une douce voix féminine répond celle d’un homme. Malgré le caractère mélodieux de la conversation, il semble clair qu’une querelle anime les deux personnages. Très vite, les débats se taisent et le vieil ermite, objet de le quête des jeunes gens de Valperdu, se laisse glisser depuis les branches. Lui d’habitude si gauche semble très à l’aise dans ses déplacements.

    Sans prendre le temps de répondre aux questions qui fusent des lèvres des adolescents, il s’approche de la dépouille de son fidèle animal de compagnie pour lui adresser quelques caresses. Puis, il se redresse et remercie le groupe qui l’a tiré d’un très mauvais pas.

    « Sûr, ces monstres t’auraient haché menu sans mon intervention » lâche Nelson qui est toujours frénétiquement adossé au chêne.

    Un sourire amusé illumine brièvement le visage de l’homme. « Certainement, certainement, mais mon destin prenait un tour bien plus funeste ».

    Sur ces énigmatiques propos, Horgon déclame des propos incompréhensibles dans la langue entendue plus tôt et depuis les hauteurs de l’arbre la voix féminine lui répond. Nul besoin de comprendre la teneur de la conversation pour deviner que reprend la dispute précédente. Au ton de la voix de l’ermite, il semble emporter la joute. Et quelques instants plus tard, une créature des plus étranges et des plus sensuelles descend du feuillu. On dirait une elfe à la délicate peau hâlée, et aux longs cheveux verts avec des feuilles en guise d’atours. Les jeunes garçons sont subjugués.

    « Je vous présente, Ephemei la dryade » glisse l’ermite. « Cette  "charmante" créature, installée dans ce chêne depuis peu, à mon insu, m’avait ensorcelée et je me destinais à passer ici les prochaines années de ma vie en esclavage. Mon pauvre Wicky, bien incapable de me rejoindre dans les branches s’en trouvait réduit à m’attendre au sol, en vain. L’irruption des kobolds et votre propre intervention m’ont sauvé. La dryade noue un lien fusionnel avec l’arbre qu’elle occupe. Tout coup porté au végétal, la blesse. Elle a donc relâché son emprise sur moi pour prendre le contrôle de votre pauvre ami. Ah oui, où ai-je la tête, il faut que je lui ordonne de le libérer ».

     Et dans l’instant l’étrange conversation reprend. La créature sylvestre semble refuser d’obtempérer, mais le vieil homme se fait de plus en plus pressant et bientôt, visiblement, elle cède. Nelson. tout hébété semble redevenir lui-même tandis que la belle, visiblement courroucée, remonte dans son foyer. Tandis que Tuskan résume sommairement la situation à son comparse, Nelson, dénie en bloc, commence à tenter d’emboîter le pas à sa geôlière et jure qu’ils s’aiment d'un amour sincère et profond sous l'œil moqueur de l'assemblée.

    « Descend de là gros balourd, elle va te prendre de nouveau dans ses filets ! 

    - Jaloux, tu ne nous empêcheras pas de vivre notre amour.

    Par les dieux, m’étonne qu’elle t’ait choisi. Ensorceler un écervelé, c’est du cousu main. Descends p…

    - Jamais, je la rejoins pour toujours ! ».
Horgon le vieil ermite

    Le jeune homme a juste le temps d’accéder à une vaste plateforme en bois qui abrite tout un mobilier que tonne la voix de l’ermite.

    « Cette fois ça suffit, mon garçon. Rejoins-nous immédiatement ou, si je monte te chercher, tu feras moins le fier ».

    Pour le plus grand étonnement de ses amis, la menace porte ses fruits, et un Nelson un peu penaud repose pied sur le plancher des vaches.

    « Allons, ne nous attardons pas plus longtemps. Qui sait, les kobolds pourraient revenir en nombre, ou pire, elle pourrait réviser ces plans. Aidez-moi à porter mon bon Wicky et filons jusqu’à ma chaumine. Vous m’expliquerez en route ce que, Sylvanus vous garde, vous fichez aussi loin dans ces bois. J'ai aussi des choses à vous dire».



 

dimanche 4 février 2024

Campagne : les héros du Valperdu - Prologue (décembre 2023)

 PROLOGUE

1359 : 4, Kythorn

Vue du village du Valperdu
                                                                      

Les cris des adolescents retentirent une nouvelle fois à l’extérieur. Sans même sans rendre compte, le regard de Tuskan quitta sa page d’écriture, pour suivre par la fenêtre la joyeuse bande qui déambulait dans la rue. La sècheresse qui frappait Val Perdu depuis déjà trois mois et la chaleur écrasante de ce début de mois de Kythorn ne semblaient nullement les affecter. Depuis son perchoir le jeune apprenti pouvait deviner la teneur de leurs échanges. Georges s’inquiétait de la santé du frêle Gideon qui à l’issue d’une course poursuite, se tenait livide, soufflant et crachant à l’ombre d’un pommier. Nelson invectivait le premier le qualifiant comme à l'accoutumé de cul-béni et incitait Victor, à leur apporter de quoi goûter, le menaçant de mille morts s’il n’obtempérait pas dans l’instant.

Le jeune homme sourit. Il avait beau savoir que la connaissance et la maîtrise de l’Art étaient à ce prix, parfois la coupure avec ses copains lui pesaient. Mais Gidéon qui étudiait avec le même maître était déjà dehors depuis un bon moment. « Je dois vraiment être nul » pensait le jeune homme, même si son mentor lui répétait sans cesse que la voie dans laquelle il s’est engagé et plus longue et plus délicate et mérite les sacrifices actuels. Comme la belle Emmie qu’il ne voyait plus guère. Un toussotement dans son dos le fit sursauter.

« Hum, hum. Est-ce ainsi que cette copie de récit ésotérique va se concrétiser ? ».

Anthar le sage du village

Tuskan sentit ses joues s’empourprer. « Toutes mes excuses, maître Anthar, je m’y replonge immédiatement ». Se maudissant intérieurement, il s’empressa de retourner dans son ouvrage, renversant dans le même temps l’encre qui trônait sur le pupitre. Son visage tourna au rouge vif. Les mots lui manquèrent.

« Tuskan, tu dois apprendre à te contrôler. Reprends ton ouvrage, mon garçon. » Alors qu’il sortait de l’étude, il se figea un instant dans l’encadrement de la porte. « À propos, sais-tu quel jour nous sommes ? »

« Bien sûr, maître. Le quatrième jour de Kythorn. »

« Et donc, rien de spécial ? »

« Euh, c’est demain que se présentera la caravane sembienne sur la place du marché ? » se risqua l’adolescent

« Tout à fait, comme chaque mois, hormis l’hiver, afin de négocier la viande fumée de porc qui fait la renommée de notre communauté. Il me semble que tes études t’ont fait manquer leurs deux dernières apparitions, si je ne m’abuse. Écoute, finis proprement ton travail et file rejoindre tes camarades à la taverne. Si la qualité est au rendez-vous, il se peut que demain je te laisse ta journée. »

« Merci, maître, je ne vous décevrai pas »

Sans plus attendre, Tuskan s’immergea dans son ouvrage.

Quelques heures plus tard, attablés devant une bière à la cannelle à l’auberge du Dragon Ecarlate, les cinq garçons échangeaient moqueries et quolibets à l’encan, singeant et moquant gentiment les passants et se querellant à tout va. Tuskan se sentait revivre et même les remarques acerbes de ses camarades sur sa récente prise de poids, conséquence de sa sédentarisation accélérée, ou sur sa peau parsemée de taches de rousseur, ne purent entamer sa bonne heure. De retour à la ferme familiale, il se promit de profiter de sa journée de repos pour rendre visite à Emmie le lendemain.

                                                                        Auberge du Dragon écarlate
 1359 : 5, Kythorn

Le soleil est encore bien bas tandis qu’il s’approche de l’auberge du Dragon écarlate. Seul Nelson parmi ses amis est déjà sur place. Faut dire que sa vie de fermier reclus avec un père porté sur la dive bouteille n’est pas toujours des plus gais. Ses amis ont depuis longtemps appris que ses bravades et ses violences verbales servent surtout de carapace à une âme torturée.

« Comment va le petit fayot des prof ? 

-          Et toi le Grand….. ? » Tuskan avait depuis longtemps initié ce jeu de laisser traîner ce dernier mot comme si une suite devait l’accompagner. Suite qui ne tombe jamais. De quoi provoquer l’agacement de Nelson sans pousser trop loin. Et faire rire la compagnie.

« Gidéon n’est pas là ?

-          Depuis qu’il a suivi le Sembien et sa maudite caravane, l’gringalet pionce encore plus qu’avant, le flemmard. Cà a beau être lui qui a le moins de route à faire, vu qu’ici c’est sa crèche, il est toujours le dernier. Je serai sa mère, j’le virerais de mon auberge. Il est juste bon à boire, ce vaurien !

-          Comme nous tous. Vlà le Georges qui s’en vient de sa prière du matin. L’a pas l’air frais. Et Victor qui tourne au coin.

-          Ah te vlà enfin, le tavernier. Faut qu’on cause, tous, j’ai trouvé tout un tas de blagues plus tordantes les unes que les autres aux dépends de cet idiot d’Hegger qui se croit l’chef ou de ce vieux cinglé d’ermite qui ne descend ici que pour la caravane avec folle patte, son cabot miteux.

-          En même temps, on a déjà assez de dingues sur place pour ne pas en ajouter à l’excès. » glissa Victor tout en fixant ostensiblement Nelson.