La grotte
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1359 : 21-28 Kythorn
Les séances de travail en présence ou non de la liche se succèdent. Elles
permettent une rapide assimilation des idiomes nethérisses et l’accès aux
antiques textes dont dispose Ioulaum et auxquels il leur autorise la
consultation. Horgon de par ses connaissances en propre alimente également en
information les jeunes garçons.
Des pages d’histoire défilent sous les yeux de Tuskan et de Georges. Les informations les plus fantastiques se font jour Non
seulement le mort-vivant est originaire de l’antédiluvienne civilisation, mais
il en fut un des plus grand général, inventeur, archimage (arcaniste comme sont
désignés les lanceurs de sorts profanes de Nethéril) et dirigeant ! Il
inventa ainsi les cités volantes et « surtout » le légendaire mytallar
qui fournissait l’énergie nécessaire au fonctionnement des objets magiques sans
nécessiter de sort de permanence. C’est le mytallar qui permis
aux cités de s’arracher au sol et d’évoluer dans les cieux. C’est le
mytallar qui permit la multiplication à grande échelle des objets
quasi-magiques, piliers de la suprématie de la civilisation nethère. L’arcaniste qui avait trouvé le moyen de prolonger son
existence dans des proportions incroyables (plus de 3 000 ans), disparu
subitement peu de temps avant la chute de l’empire, sans que personne ne sache
sa destination. Il semble ignorer que Nethèril n'est plus aujourd’hui que
légendes. Horgon, Georges et Tuskan sont bien ennuyés de savoir s’il est
préférable ou non de lui annoncer.
De leur côté, Gidéon et Nelson trouvèrent un intérêt particulier à vadrouiller sur la lande au nord-ouest du village. En effet, Gidéon voulait obtenir le plus d'indices possibles sur les allées et venues des monstres qui leur servait de voisin et Nelson appréciait l'adrénaline que leur procurait cette sortie. Les deux garçons aperçurent des groupes d'orcs et de gobelins éparpillés, avançant vers le sud, une bannière au crâne enflammé à la main. Prudents, ils ne s'approchèrent jamais trop prêts et décampaient lorsque la nuit noire survenait.
Victor enfin, préfétait se consacrer aux travaux de la ferme mais Gidéon, qui s'exerçait avec lui à l'art du combat silencieux, savait qu'il rongeait son frein et qu'il rejoindrait bientôt les folles aventures du groupe.
1359 : 29 Kythorn
Toutes ces informations alimentent les rêves et les projections les plus
folles de nos jeunes jeteurs de sorts et aiguisent leur soif de connaissance.
Attablés à la terrasse de l’auberge du Dragon écarlate, Tuskan et Georges énumèrent leurs fabuleuses découvertes, leurs confrères, en
revanche s’arrangent pour les tourner en ridicule ou émettent des critiques acerbes
et leur enjoignent de sceller la grotte de la liche et d’oublier toutes ces
fadaises avant que ne s’abatte quelque catastrophe.
Gidéon, quelque peu enhardi par la bière à la cannelle et par ses précédentes expéditions nocturnes soumet bientôt au groupe sa nouvelle brillante idée : « Les infâmes goblinoïdes
semblent s’unir sous une même bannière, il faut en avoir le cœur net !
Rendons-nous dans les collines voisines pour en apprendre plus ».
L’enthousiasme de Nelson est contrebalancé par le refus tout net de Victor qui
juge le projet insensé. Tandis que Tuskan et Georges hésitent sur la conduite à
adopter, les piques acerbes de Nelson accompagnent le départ d’un Victor,
vraisemblablement froissé. Georges hausse les épaules en indiquant qu’il ne se
voit pas laisser partir nos bougres d’ânes seuls dans les monts. Tuskan se
range à son avis, mais obtient de ses impétueux amis de requérir, au préalable,
l’avis de Hegger. Sondé, ce dernier voit plutôt d’un ben œil l’initiative des
jeunes gens. Il leur accorde l’autorisation mais leur demande de rester prudent
et de ne prendre aucun risque inutile. Les jeunes héros promettent, puis s’équipent,
afin de pouvoir se mettre en route au plus tôt le lendemain.
1359 : 30 Kythorn
Le vert des vallons et des bosquets cède rapidement la place au gris
minéral des collines. À l’horizon se découpent les sommets enneigés des Pics du
Tonnerre
Les premières heures de
marche, sous un soleil de plomb et dans la caillasse se révèlent pénibles mais
sans réelles complications. Nos jeunes garçons s’évertuent à suivre, en
parallèle, sous le couvert des rochers, les nombreux sentiers qui quadrillent
la zone. Seule alerte des cavaliers orques montés sur loups patrouillent les
environs, mais ne semblent pas particulièrement sur le qui-vive et peuvent
facilement être esquivés. Après plusieurs heures à arpenter la zone sans
trouver trace de forte concentration de goblinoïdes, Georges aperçoit au loin
des signes d’occupation de grotte. Prudemment les aventuriers s’en approchent.
L’ouverture est obstruée par
une barricade grossière sur le flanc duquel flotte l’emblème du crâne enflammé
croisé précédemment. Gidéon qui ouvre la marche s’en saisit. Dans un même élan,
il déplace la frustre barrière et commence à pénétrer dans l’enceinte. Tuskan
s’interpose alors et lui enjoint de faire machine arrière. Les consignes
d’Hegger étaient claires, ne prendre aucun risque, il est plus que temps de
s’en retourner. Avec un air de défi, Gidéon l’écarte de son passage et se
faufile dans l’ouverture, suivi d’un Nelson bravache sifflotant. Dépités,
Georges et Tuskan décident de les attendre à l’extérieur et se dissimulent
vaille que vaille de potentiels observateurs. « Ces deux imbéciles
vont causer notre perte » grommelle Tuskan.
Une fois entrés, les pas des deux
explorateurs les emmènent sur leur droite. La clarté de l’extérieur leur permet
de voir à quelques pas tout au plus À proximité d'un point d'eau, quelques
outils et un tas de fourrage. La zone ne semblant pas proposer d’autres points
particuliers, ils rebroussent chemin, passent devant une sorte de triple arche
de pierre naturelle basse et étroite et empruntent un tunnel sur leur gauche.
Par souci de discrétion, Gidéon enjoint le guerrier de l’attendre et s’enfonce
dans l’obscurité. Sa capacité à se mouvoir et observer dans les ténèbres lui
permet d’identifier dans différents enclos différentes têtes de bétail. Tandis
qu’il recense un veau et sa mère, des moutons et un âne, le grognement d’un
canidé le rappelle à la prudence. Ce dernier, tirant de toutes ses forces sur
la chaîne qui le retient, se met à aboyer. Gidéon s’empresse de s’en rapprocher,
de l’endormir prestement en laçant une vapeur colorée, avant de
l’égorger promptement. Il avise alors quatre tentes, de bric et de broc qui se
trouvent face à lui. L’une d’entre elles est néanmoins plus volumineuse que ses
voisines. Celles-ci sont entrouvertes et se dessinent alors de petites silhouettes canines dormant en leur sein... des kobolds ! L'arpenteur tourna alors les talons pour prévenir ses camarades de sa découverte.
Pendant ce
laps de temps, Georges et Tuskan n’y tenant plus se sont introduits dans la
grotte et ont rejoint Nelson qui leur relate brièvement les faits. Si avoir
occis une bête endormie rencontre leur désapprobation, ils sont atterrés lorsque Gidéon les avise de la présence d'une tribu entière de kobolds.
Leur conversation est toutefois coupée par les sifflotements détachés d'un des hommes chien, à l'opposé de l'endroit où sont tapis les garçons. Tournant la tête avec horreur, ils découvrent que l'un des autochtone s'est éloigné des tentes pour se soulager... juste à côté de leur animal de garde qui gît maintenant dans une marre de sang. Priant pour que le monstre soit trop somnolent pour s'en apercevoir, les héros retiennent leur souffle. Tymora ne les a pas entendu cette fois-ci. Ils voient la silhouette se figer et pousser des jappements terrifiés... nul doute que le clan entier les attaquera !
Déjà les petites créatures
humanoïdes à la peau écailleuse émergent des tentes équipées de javelots et
d’armes de poing rouillées. Un kobold plus grand et mieux bâti surgit de la
tente principale et aboie ses ordres. Les javelots fusent mais manquent leur
cible. Tuskan ajuste le chef et sa bille de fronde vient le percuter au torse.
Le souffle un peu court, ce dernier n’en continue pas moins de diriger ses
troupes. Trois créatures avancent de front vers les aventuriers, tandis
qu’accompagné de deux autres le leader tente d’envelopper ses adversaires en
passant par les arches minérales. Nelson et Gidéon avancent au-devant des
créatures qui les provoquent. Le second pare facilement l’attaque de son
vis-à-vis et lui assène un puissant coup sur le crâne. La créature s’effondre
comme une marionnette désarticulée. La deuxième engage Nelson, le métal
s’entrechoque et résonne dans la grotte, tandis que les deux protagonistes se
jaugent. Le troisième, évite les deux belligérants et fonce droit sur Tuskan en
retrait venu soutenir ses camarades et pensant les soutenir de sa magie. Pris
de court, le jeune mage adresse silencieusement une prière à Azouth, patron des
magiciens, et prend le risque d’invoquer face à son adversaire. Ce dernier
voyant son ennemi cesser de se défendre pour psalmodier, tente de l’embrocher
mais rate sa cible. Il n’aura pas de deuxième chance, des éclairs multicolores
fusent des doigts du lanceur de sort et la créature glisse dans le sommeil.
Dans l’autre partie de la pièce, Georges tient les kobolds à distance de son
bâton, priant sa déesse que les secours ne tarderont pas. À ce moment Nelson
décide de changer de stratégie et prenant appui sur ses robustes jambes, de
tout son poids, il martèle d’un coup d’épaule le thorax de son adversaire qui
est repoussé dans un hurlement plaintif, le pauvre hère en oublie sa garde et
la faux de son opposant lui intime un silence éternel.
Leur position
tournant clairement à la catastrophe, les derniers combattants tournent les
talons et fuient au travers des arches persuadés qu’ils y seront abrités des
projectiles et que les grands gaillards qui les confrontent ne pourront les
suivre. Malheureusement pour leur chef, un caillou de fronde particulièrement bien
ajusté de Tuskan le fauche en pleine course, son corps sans vie vient heurter
la dureté du sol cavernicole. Alors que le mage exulte, il est horrifié de voir
Gidéon assassiner sous ses yeux la créature qu’il avait endormi. Et tandis qu’il
le sermonne, un cri de triomphe émane du fond de la grotte, Nelson tient sous
la menace de son arme les femmes et enfants de la tribu, alignés et effrayés le
long de la paroi de la caverne. Saisi de l’hubris de Garagos, une lueur
malsaine dans le regard, Nelson s’avance menaçant. « Allons en
finir ! » clame t’il.
Terrifiés Georges et Tuskan tentent de ralentir le colosse. « Écartez-vous,
ces créatures sont maléfiques, une fois adultes, les petits seront tout aussi
mauvais que leurs pères et s’attaqueront à nos villages ! ». Il
semble sourd aux arguments de compassion ou de libre-arbitre avancés par le
jeune prêtre. Il faudra que Tuskan plantant son regarde dans le sien lui lance
« tu vois bien que ce sont des fermiers tout comme nous » pour que le
guerrier revienne à la raison. Gidéon, durant ce temps, n’a rien fait pour
endiguer la rage qui consumait le combattant, restant impassible.
Maîtres des lieux, les comparses, fouillent
rapidement les lieux en quête de butin, se saisissent de l’âne, du veau et de
deux moutons et battent en retraite. Hors de question, ainsi entravés
d’emprunter le couvert de la rocaille pour le retour. Ils sont condamnés à
suivre les sentiers tracés par le passage des goblinoïdes. Et bientôt des
éclaireurs orques les repèrent. Ceux-ci ne risquent pas l’affrontement, mais se
retirent tout aussi prestement qu’ils sont apparus. Nul doute qu’ils vont
donner le signal de la traque. Malgré le danger, les jeunes garçons décident de
faire quelques détours avant de repiquer sur Valperdu. En espérant ne pas
rabattre directement les chasseurs jusqu’au village. Le danger ne fait que commencer.